samedi 16 mars 2013

UN PEU DE LITTERATURE

On ne lit pas assez, ou plutôt je ne lis pas assez. Toujours quelque chose d'autre à faire, le boulot, le vélo, etc... Pourtant j'aime ça et j'apprécie à sa juste valeur l'enrichissement que cela procure. Pour faire partager mon intérêt mais aussi parce qu'il est assez court, je vous adresse le dernier chapitre d'un livre que l'on m'a récemment prêté. Sur le fond, n'y voyez aucun sens caché, je n'ai pas plus envie de raccrocher que d'habitude, cela viendra à son heure. En attendant, dimanche 17/03 - 8h30 à Voisins.

JE NE M'EN SERVIRAI PLUS, MAINTENANT
"Tu peux le prendre. Je ne m'en servirai plus, maintenant !" Des mots qui peuvent s'attacher à tant de situations possibles. Un homme âgé qui parle de son vélo. Les deux phrases sont jetées avec une désinvolture un peu expéditive, comme pour cacher pudiquement un message plus solennel et plus secret. Tu peux le prendre est plutôt à entendre comme : ça me ferait plaisir que tu le prennes. Mais il y aurait une injonction trop pesante. J'aimerais que tu sois l'héritier de mon vélo, que tu en fasses un digne usage, que tu le bichonnes comme je l'ai toujours fait. Souvent suivent des propos de fausse humilité : "Oh bien sûr, ce n'est pas le dernier cri de la technique. Dérailleur sur le cadre, et pas au guidon. Et puis deux plateaux seulement." Mais on sent déjà que la dévaluation va s'arrêter : "N'empêche, il fonctionne toujours bien. Il a fait ses 3000 km encore il y a deux ans..." Oui, le vélo, on va le prendre. Ou pas. Il y aura peut-être une raison de refus rédhibitoire. "Je n'ai pas de place pour le mettre dans l'appart, et pas de cave." Mais on entend surtout : "Je ne m'en servirai plus, maintenant." Le maintenant est poignant. Voilà. J'ai aimé le vélo, je suis encore vivant. Mais maintenant. Je suis encore moi-même et je ne le suis plus. Je n'ai pas à me plaindre, j'ai eu des bons moments si longtemps.
La conscience du maintenant se voudrait un constat, rappeler tout ce qui fut avant le plus rien. Elle souhaite modérer surtout l'implacable je ne m'en servirai plus. J'ai gardé mon vélo, j'ai continué à l'entretenir pour un futur de plus en plus aléatoire. Et puis voilà. Il y a un moment où l'objectivité se fait plus déchirante de se vouloir sereine. Je le dis sur un ton que je crois détaché mais tu l'entends comme je le pense au fond de moi. Ne me console pas. C'est déjà beau tout ce qui reste quand la vie n'est plus la vie.

Vous aurez sans doute reconnu le dernier chapitre de l'ouvrage de Philippe Delerm "Je vais passer pour un vieux con".
(je ne sais pas pourquoi, j'aime beaucoup ce titre...)

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